Bartillat Edition
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F

ISBN : 9782841005758
Parution : 23/10/2014
Prix : 14 €
800 pages
Format : 12,5 x 20
Traducteur : Jean Lacoste et Jacques Le Rider
Préfacier : Jean Lacoste et Jacques Le Rider

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Faust
Goethe

Pour la première fois en langue française, cette édition se propose de réunir les trois grands textes de Goethe où s’enracine le mythe de Faust : l'Urfaust (1775), le Faust I (1808), le Faust II (1832). Accompagnée d’un important apparat critique, elle rend ces textes accessibles au lecteur d’aujourd’hui et lui ouvre des perspectives d’interprétation contemporaines.
L’Urfaust, texte méconnu, constitue une préfiguration de la première partie de la tragédie à venir. Cette pièce caractéristique du XVIIIe siècle allemand a gardé sa fraîcheur et sa force : c’est une œuvre autonome.
Dans le Faust I, le célèbre savant aspire à la connaissance totale du monde. Faust signe un pacte avec Méphistophélès et, en échange de son âme, retrouve une nouvelle jeunesse. Le héros séduit l'innocente Marguerite, qu'il abandonnera peu après avec son enfant. Meurtrière de l'enfant, Marguerite est condamnée à mort, mais son repentir la sauvera. Faust et elle incarnent le tragique de la condition humaine.
Riche en symboles poétiques, la seconde partie de la tragédie montre un Faust assoiffé de pouvoir et de possessions, servant à sa manière l’empereur, qui revisite l’Antiquité classique pour retrouver Hélène, la plus belle des femmes, et qui meurt après avoir perpétré d’abominables crimes, sauvé tout de même de la damnation à laquelle son pacte avec Méphistophélès le condamnait. Faust II fait l’inventaire de notre tradition culturelle, juge les temps modernes avec une lucidité toujours actuelle et synthétise l’humanisme et l’art goethéens.

Jean Lacoste et Jacques Le Rider ont, entre autres, édité les œuvres de Nietzsche dans la collection Bouquins (Robert Laffont). De Goethe, aux Éditions Bartillat, ils ont respectivement assuré les éditions du Voyage en Italie (2003) et des Écrits autobiographiques 1789-1815 (2001).



Présentation

Urfaust, Faust I, Faust II

Résumé

Pour la première fois en langue française, cette édition se propose de réunir les trois grands textes de Goethe où s’enracine le mythe de Faust : l'Urfaust (1775), le Faust I (1808), le Faust II (1832). Accompagnée d’un important apparat critique, elle rend ces textes accessibles au lecteur d’aujourd’hui et lui ouvre des perspectives d’interprétation contemporaines.
L’Urfaust, texte méconnu, constitue une préfiguration de la première partie de la tragédie à venir. Cette pièce caractéristique du XVIIIe siècle allemand a gardé sa fraîcheur et sa force : c’est une œuvre autonome.
Dans le Faust I, le célèbre savant aspire à la connaissance totale du monde. Faust signe un pacte avec Méphistophélès et, en échange de son âme, retrouve une nouvelle jeunesse. Le héros séduit l'innocente Marguerite, qu'il abandonnera peu après avec son enfant. Meurtrière de l'enfant, Marguerite est condamnée à mort, mais son repentir la sauvera. Faust et elle incarnent le tragique de la condition humaine.
Riche en symboles poétiques, la seconde partie de la tragédie montre un Faust assoiffé de pouvoir et de possessions, servant à sa manière l’empereur, qui revisite l’Antiquité classique pour retrouver Hélène, la plus belle des femmes, et qui meurt après avoir perpétré d’abominables crimes, sauvé tout de même de la damnation à laquelle son pacte avec Méphistophélès le condamnait. Faust II fait l’inventaire de notre tradition culturelle, juge les temps modernes avec une lucidité toujours actuelle et synthétise l’humanisme et l’art goethéens.

Jean Lacoste et Jacques Le Rider ont, entre autres, édité les œuvres de Nietzsche dans la collection Bouquins (Robert Laffont). De Goethe, aux Éditions Bartillat, ils ont respectivement assuré les éditions du Voyage en Italie (2003) et des Écrits autobiographiques 1789-1815 (2001).

Presse

Sur le blog de Pierre Assouline le 27 février 2009 : http://passouline.blog.lemonde.fr/2009/02/22/
Faust, la totale
Aussi étrange que cela puisse paraître, il n’existait pas à ce jour d’édition exhaustive en français du Faust de Goethe. C’est pourtant un monument de la littérature universelle, l’un de ses mythes de fondation avec Dom Juan et Don Quichotte. Il y avait donc comme une vacance bibliographique. Le bicentenaire de la publication chez Cotta (Tübingen) était l’occasion rêvée. Jean Lacoste et Jacques Le Rider s’y sont donc mis ; après s’être chauffés en éditant les Oeuvres de Nietzsche (Bouquins/Laffont), ils nous donnent un total Faust (800 pages, 25 euros, Bartillat) dont ils assurent toute l’édition (traduction, notes critiques, introductions) en tenant compte du travail accompli depuis le XIXème siècle par les traducteurs successifs de Goethe (de Gérard de Nerval à Jean Malaplate en passant par Suzanne Paquelin, Henri Lichtenberger, Alexandre Arnoux et Rainer Biemel) et les recherches des germanistes français. Un pari… faustien ! Le recueil s’ouvre sur une rareté intitulée Urfaust, découverte en 1887 dans les archives d’une dame de compagnie de la cour de Weimar, qu’on peut lire, dans toute sa fraîcheur et sa vigueur, comme un brouillon de l’oeuvre à venir. Encore que les spécialistes préfèrent parler de “version antérieure” (”frühe fassung” précisent les éditeurs), plus resserrée, plus intense, et donc plus violente, au point de séduire Brecht. Il est suivi par Faust I, texte de la tragédie telle qu’on l’a toujours connue, et par Faust II, oeuvre posthume découverte en 1832. Ils se complètent, naturellement, le second, aux accents plus prophétiques, tirant le bilan du romantisme (on se rafraîchira la mémoire avec la légende du pacte diabolique depuis ses origines grecques). La totale de Faust, donc, qui n’a pas pour autant la prétention d’une édition définitive. 12 111 vers, chacun conçu comme le fragment d’une grande confession, tous fruits d’une rumination lente et d’une maturation pleine de métamorphoses qui dura plus de soixante ans : cet incommensurable poème n’est pas un pays mais un continent. L’opéra de Gounod, la légende dramatique de Berlioz connue comme La damnation de Faust, les lithographies de Delacroix, les tableaux d’Ary Scheffer ont beaucoup fait pour populariser le mythe, sans oublier le fascinant Docteur Faustus de Thomas Mann. Tous ramènent à l’oeuvre princeps, et au fin mot de la tragédie selon Goethe : le savant peut toujours essayer de maîtriser la nature par l’alchimie, il n’y a que l’Eternel féminin qui puisse le tirer vers le haut. Sans Marguerite puis Hélène, Faust se serait perdu et abîmé dans la mélancolie de la connaissance théorique. Demeure une clarté dans la nuit de son chant de douleur. En passant du grave à l’aigu, quelques notes échappées d’un violoncelle changent le sens, qui passe de la tristesse à l’espoir. Ecoutez donc cette nouvelle édition du Faust de Goethe, puisque, comme le rappelle Jacques Legrand dans le dernier numéro de la revue TransLittérature (No36, hiver 2009), la traduction poétique est “de la musique avant toute chose”.

Libération
7 mai 2009

Goethe retraduit : Faust ce qu’il faut

Recueilli par Anne-Pauline Hanania

GOETHE Faust Traduit de l’allemand par Jean Lacoste et Jacques Le Rider Editions Bartillat, 800 pp., 25 euros.

Grâce à Goethe (1749-1832), Faust (alchimiste qui signe un pacte avec le diable) a évolué de la légende populaire au mythe le plus important de la littérature du XIXe siècle. Faust est une œuvre sur laquelle le poète allemand a passé près de soixante ans. Elle est constituée de trois pièces de théâtre : l’Urfaust (1775), Faust 1 (1808) et Faust 2 (1833, posthume).

Les deux germanistes Jacques Le Rider et Jean Lacoste ont décidé de faire redécouvrir aux lecteurs français ces trois textes, en réunissant pour la première fois l’intégralité des «Faust» dans une seule édition.

Le présent volume permet ainsi de faire connaître les deux versions quasi inconnues de «Faust» qui entourent le Faust 1 connu de tous. Cette traduction de «Faust» a duré quatre ans.

Jean Lacoste :

«J’ai traduit l’Urfaust et Faust 1. Il s’agit de la première véritable traduction en français de l’Urfaust. Je suis parti de celle de Gérard de Nerval datée de 1828, qui est la plus utilisée, mais je me suis vite rendu compte qu’elle était imparfaite et que des points pourtant essentiels du texte original avaient été détournés de leur véritable signification. Voulant rester le plus fidèle possible au texte, ma traduction finalement n’a plus grand-chose à voir avec celle de Nerval.

«Le plus difficile dans ce travail fut, tout en respectant la poésie de Goethe, de la rendre abordable pour les troupes de théâtre contemporain. Donc de restituer un Faust avec sa problématique intellectuelle et un langage venant d’une traduction qui coule, de façon à être comprise par le lecteur.

«Je préfère Urfaust au Faust 1. Cette œuvre - qui n’est pas un brouillon du Faust 1 - est un texte vivant et autonome. Une œuvre qui a gardé toutes les traces de son origine, une légende populaire. J’ai eu l’impression de traduire pour la première fois un texte qui est une sorte de miracle, puisqu’on l’a retrouvé près d’un siècle après la mort de Goethe.

«Urfaust a conservé un caractère sacrilège du théâtre populaire ; on voit tout le plaisir de Goethe de s’être donné comme porte-parole le diable.

«Ce que je retiens de mon travail : la satisfaction et la fierté d’avoir donné l’ensemble des Faust dans une version moderne et pourvue de toutes les annotations nécessaires de manière à ce qu’on le comprenne. D’avoir montré le Faust de Goethe dans toute sa splendeur.»

Jacques Le Rider :

«Je me suis occupé du Faust 2. Cette suite est inconnue en France car elle n’a pas été rééditée, et sa traduction est ancienne et désuète. La grande difficulté de ce travail fut de rester fidèle au texte ; j’ai été étonné du nombre de traductions qui s’éloignent de l’original. Nous avons voulu laisser ce texte ouvert à tous les lecteurs tout en gardant en tête le souci de l’exactitude.

«Faust 2 fut pour moi une grande découverte. Je trouve que la beauté vient de la proportion monumentale de la pièce. C’est une œuvre à part entière. C’est une sorte de synthèse de la culture européenne avec ses aspects traditionnels, culturels, philosophiques et esthétiques. Culture européenne condensée avec un héritage grec et une présence de la littérature anglaise et italienne (allusion à Dante et à Shakespeare).

«C’est une œuvre d’une réelle variété et d’une grande intensité lyrique, poétique et dramatique. Cette pièce peut être vue comme une réflexion sur… le XIXe siècle ! Car, si Goethe est placé parmi les auteurs du XVIIIe siècle, Faust 2, avec le thème du triomphe de la technique et ses questions sur le pouvoir, est bien une œuvre du siècle suivant.

«Cette traduction fut pour moi un défi de chaque page. On n’insiste pas assez sur ce point : le public français connaît mal Faust, et énormément de choses restent à découvrir dans cette œuvre. C’est un texte inépuisable sur lequel j’ai appris quelque chose de neuf jusqu’au dernier moment. Ce que j’ai découvert ? Faust !»

Blog d'Edouard Husson Marianne

Ma semaine allemande: aux «magiciens» de la finance

 Dimanche 10 Mai 2009 à 13:03

Par Edouard Husson, historien de l'Allemagne contemporaine. On n'apprend plus l'allemand en France. Dommage, car la lecture du Second Faust est riche d'enseignements.

Lundi 4 mai 2009 - Une nouvelle traduction de Faust

Il faut saluer la nouvelle traduction de Faust, qui paraît aux éditions Bartillat, et que nous devons à Jean Lacoste et Jacques Le Rider. Une occasion de rappeler la qualité de l'école universitaire des germanistes français, menacée d'extinction tant le contingent des élèves apprenant l'allemand au lycée se réduit. On parlait plus l'allemand  en France lorsque l'on redoutait «l'ennemi héréditaire». L'allemand a surtout été victime des réformes pédagogiques de ces quarante dernières années. Cessez d'enseigner Goethe, Heine et Rilke - comme l'a exigé l'inspection générale, qui s'est mise, par un égalitarisme mal placé, à interdire aux professeurs de collège et de lycée d'enseigner la littérature, depuis les années 1970. A partir du moment où non seulement «une paire de bottes vaut bien Shakespeare» mais surtout le Ministère de l'Education Nationale demande qu'on ne donne à lire, en cours le langue, que des articles sur la fabrication des paires de bottes, il ne faut pas s'étonner que, l'utilitarisme s'imposant, l'anglais marginalise les autres langues. Si l'on ne cherche plus, en enseignant une langue vivante, qu'à donner des «connaissances utiles» alors toutes les langues, sauf l'anglais, sont condamnées à être des langues mortes. Les professeurs d'allemand des années 1980 nous donnaient des articles sur le triage des ordures, la mort des forêts, les modes de vie alternatifs, la question de la limitation de vitesse sur les autoroutes allemandes etc... C'était ce qu'il y avait dans nos manuels. Tous sujets dont la seule évocation suscitait, à la deuxième édition, un ennui incommensurable et des bâillements à répétition. Nos parents, qui connaissaient des dizaines de morceaux choisis de la littérature allemande par coeur n'avaient aucun problème, ensuite, à apprendre rapidement, quand ils visitaient l'Allemagne, le vocabulaire de la vie quotidienne. Mais aujourd'hui, dès le lycée, on détourne d'apprendre l'allemand car on refuse de faire rêver les élèves avec les mythes et tout ce qu'il y a de positif dans l'histoire du grand voisin.
 
Ma semaine allemande: aux «magiciens» de la finance

Mardi 5 mai 2009 - L'empire du dollar-papier

 On connaît peu le Second Faust, épopée de l'homme moderne qui veut se faire «comme maître et possesseur de la nature». Toute l'histoire du règne du dollar y est contenue à l'Acte premier. Je cite dans la nouvelle traduction, de Lacoste et Le Rider:
 
«Le Chancelier:
Avis à qui veut l'entendre:
Le présent billet vaut mille couronnes.
Il est garanti par la caution assurée
D'innombrables biens enfouis dans le sol de l'empire.
Il est présentement fait diligence pour que ces riches trésors,
Aussitôt déterrés, servent à l'acquitter».
 
Non plus une base monétaire or et argent et des billets qui ne soient que des crédits circulants, des chèques à montant fixe pouvant être émis par n'importe quelle banque mais du papier monnaie émis par l'Etat et demandant, pour conserrver sa valeur, le pillage des ressources du sous-sol. Toute l'histoire de la destruction du système monétaire international de Woodrow Wilson à George W. Bush et de la prise de contrôle des Etats-Unis sur le pétrole mondiale!
 
«L'Empereur:
Je pressens un forfait, une monstrueuse duperie!
Qui a falsifié ici la signature de l'empereur?
Un tel crime est-il resté impuni?
 
Le Trésorier:
Souviens-toi! Tu l'as signé toi-même;
Pas plus tard que cette nuit. Tu te dressais, figurant le grand Pan;
Le chancelier vint avec nous te parler et dit:
"Accorde-toi le plaisir de cette haute fête,
Et fais le salut de ton peuple en quelques traits de plume"
Tu les traças nettement, puis ce fut durant cette nuit
Vite multiplié par milliers par des magiciens aux mille tours.
Pour que le bienfait profite sur le champ à tous,
Nous avons aussitôt tamponné toute la série,
Des coupures de dix, de trente, de cinquante, de cent sont prêtes.
Vous n'imaginez pas quel bien cela fit au peuple.
Regardez notre ville, d'habitude à demi-morte et moisie,
Comme tout vit et fourmille dans le plaisir et la jouissance!»
 
Le néo-libéralisme, n'est-ce pas la rencontre d'homo festivus et des magiciens de la finance?
 
«L'Empereur:
Et mes gens prennent cela pour or de bon aloi?
L'armée, la cour s'en contentent pour toute solde?
J'ai beau m'en étonner, il faut que je l'admette»
 
L'empereur avait raison de se méfier, instinctivement. La prospérité s'évanouit, dans l'épopée, aussi vite qu'elle est venue. La division politique s'installe. Bientôt la guerre civile commence et un anti-empereur vient contester le pouvoir en place. Le règne du papier monnaie a débouché sur la guerre et l'usurpation.

Mercredi 6 mai 2007 - Le magicien de la finance

C'est ainsi que l'on a appelé Alan Greenspan durant des années, sans se rendre compte de la justesse de l'expression. Tel le «trésorier» du Second Faust, il a inondé le monde de papier-monnaie artificiel et nous en payons aujourd'hui les conséquences. Mais personne ou presque ne semble comprendre ce qui s'est passé. Je ne connais pas un manuel d'économie qui n'affirme que la monnaie est, dans l'économie moderne, «créée ex nihilo». Depuis la Première Guerre mondiale, première époque de fabrication illimitée de papier-monnaie, l'humanité occidentale a oublié que la monnaie doit être un bien, et si possible le plus précieux au monde, puisque la mesure universelle de la valeur doit être le bien le plus rare. C'est la raison pour laquelle l'or et l'argent se sont imposées historiquement comme la monnaie universelle.
 
Au temps d'Adam Smith - contemporain de Goethe - le monde connaît un  régime de bimétallisme or/argent. L'or est thésaurisé comme réserve suprême ou bien sert aux transactions à grande distance. L'argent sert à garantir les transactions de proximité. Le papier-monnaie n'est pas de la monnaie à proprement parler, il est un moyen d'accélération de la circulation monétaire. A cette époque, la  monnaie métallique est suffisamment abondante (il y a environ sept fois plus d'argent que d'or à disposition) pour que l'économie capitaliste ignore les contractions cycliques. C'est la raison pour laquelle Adam Smith est convaincu des automatismes de l'économie de marché.
 
Le premier destructeur du système, sur le plan théorique, fut David Ricardo, qui recommanda de passer au mono-métallisme, l'or restant le seul étalon de la valeur, tandis que l'argent était démonétisé. La Grande-Bretagne applique cette recommandation en 1821; la première crise due à la réduction de la base monétaire consécutive à l'abandon du bimétallisme se produit en 1825. Elle est repérée par Marx, qui n'en comprend pas la raison car il est lui-même un disciple retourné  de Ricardo. Au fur et à mesure que les nations suivent l'exemple de la Grande-Bretagne et passent au mono-métallisme, le monde entre dans des crises cycliques à répétition. Ceux qui critiquent «l'étalon-or» ont raison de souligner ses effets déflationnistes mais ils ne comprenent pas que l'abandon de l'étalon-or a causé des maux plus grands encore que son maintien. La monnaie de papier - sans référent métallique -  a toujours au départ des effets dopants pour l'économie, puisqu'elle lui procure des liquidités surabondantes. Mais bientôt l'inflation s'installe; et un jour l'hyperinflation. En régime de papier-monnaie, une monnaie perd, en moyenne, 50% de sa valeur tous les quinze ans. Même le très solide deutsche mark ne valait plus, en 1999, lors de sa disparition, que 25% de ce qu'il valait en 1949.
 
La refondation de l'économie mondiale, actuellement ébranlée jusque dans ses fondations par l'agonie de l'étalon-dollar, passe par le retour au pluri-métallisme (or, argent, platine) pour rendre au papier-monnaie sa valeur.        
 
Hans Christoph Binswanger écrit, plaisamment, dans un ouvrage paru en 2005, intitulé Geld und Magie (L'argent et la magie), que Goethe est le premier à avoir compris que l'économie moderne était «l'alchimie continuée par d'autres moyens», «la recherche de l'or artificiel, une recherche qui, pour celui qui s'y est adonné une fois, se transforme rapidement en dépendance à une forme de drogue».  

Jeudi 7 mai. Quand Le Monde retombe dans les vieilles ornières

Le Monde daté du 6 mai retrouve des chemins familiers aux connaisseurs de la relation franco-allemande. La France craint, nous dit-on, d'être distancée par l'Allemagne dans la crise. Ou plutôt, la reprise devrait être au rendez-vous en Allemagne et non en France en 2010, selon les prévisions économiques de la Commission européenne. On se croirait retombé au début des années 1990. Voilà qu'est à nouveau exalté un modèle allemand de contrôle du déficit et de compression des salaires et fustigé le laxisme français en matière de déficit public. Paradoxe: sur deux ans, si les prévisions sont exactes, la récession cumulée de l'Allemagne sera de plus de 5 points, contre 3,2 pour la France. Et l'année prochaine, le chômage augmentera vraisemblablement de 1,8 point en Allemagne contre seulement 1,1 en France. Il faut se méfier des effets d'annonce et se demander pourquoi le journal français retombe dans de vieilles ornières.

On sait le discours stéréotypé qui sort toujours du complexe français. Un discours de la rigueur, qui doit ramener le mauvais élève à plus de discipline. Et un discours opposé se plaignant de ce que l'Allemagne ne peut se permettre de pratiquer la rigueur que parce q'elle profite des politiques de relance des autres. Comme Nicolas Sarkozy ne peut pas se permettre la rigueur, nous aurons un équilibre entre les deux discours.

Et ni la France ni l'Allemagne ne sortiront ainsi de leur actuelle difficulté à penser l'avenir puisque le laxisme budgétaire des partenaires est toujours un prétexte pour l'Allemagne à refuser d'envisager sérieusement l'avenir de l'euro.

Depuis des années, la RFA refuse la perspective d'un véritable gouvernement économique de la zone euro. Quand on admire la tradition ordo-libérale de Röpke, qui a fondé le "miracle économique" des années 1950 et 1960, on ne peut que comprendre l'attitude allemande. A moyen ou long terme, le keynésianisme qui domine les discours sur un gouvernement économique de l'Europe serait une impasse, comme il l'a toujours été dans l'histoire, que ce soit dans sa version pacifique (politique britannique de l'après-guerre ou politique de relance de François Mitterrand en 1981) ou dans sa version militaire (politique américaine de «W»).
Le seul avenir pour l'Europe comme modèle economique viable, qui fasse toute sa place aux traditions nationales de politique économique tout en assurant une politique commune réside dans un nouvel ancrage de l'euro au sein d'un système monétaire international refondé sur un étalon impartial. Permettez que grâce à un instrument de mesure authentiquement universel de la valeur, la libre répartition des investissements et l'allocation du crédit ne soient plus soumis aux distorsions créées par la turbulences du système-dollar, et vous aiderez à garantir l'avenir de l'euro et l'expansion de l'activité en Europe. Quand Jacques Rueff avait dit «L'Europe se fera par la monnaie» il ne pensait pas seulement à la création d'une monnaie européenne mais aussi à la refondation du système monétaire international.
Le paradoxe européen des vingt dernières années tient au contraste entre la construction d'une monnaie européenne et la décomposition parallèle du système monétaire international. L'euro, monnaie en relative rareté dans le monde, a d'ailleurs accéléré la décomposition du système dollar puisque la surabondance de la monnaie américaine en est apparue d'autant plus flagrante. Mais il ne faudrait pas que les tensions sociales créées par la crise à la périphérie de la zone euro conduisent à l'éclatement, partiel ou complet de celle-ci.

Le Monde a vingt ans de retard: la question urgente n'est pas celle du différentiel franco-allemand mais de ce qui va arriver à l'Espagne.
Le taux de chômage y est déjà de 17%; il pourrait dépasser 20 l'année prochaine. La commission européenne prévoit un taux de déficit public de près de 10%. Or il n'y a aucune raison qu'un pays au potentiel de l'Espagne soit durablement condamné au chômage et à l'endettement. Mais il n'y a non plus aucune raison que sa situation s'améliore si un nouveau système monétaire international n'est pas mis en place, qui rétablirait l'objectivité des évaluations internationales sur la solvabilité à moyen et long terme des pays de la zone euro.

Au lieu d'opposer la France et l'Allemagne, il faut donc les pousser à s'unir pour peser, aux côtés de la Chine, du Japon et de la Russie dans une exigence formulée en commun vis-à-vis des Etats-Unis: la création d'un nouvel étalon international de la valeur.
Il est urgent de passer aux choses sérieuses au lieu de rejouer les psychodrames du passé.
 

Vendredi 8 mai 2009- Trichet sur les traces de Greenspan

Qui l'eût dit? Trichet baissant les taux d'intérêt à 1% pour relancer l'économie. C'est exactement la politique appliquée par Greenspan pour sortir de la crise boursière de 2000; une politique qui a créé le boom immobilier d'où est sortie la crise actuelle. La question d'aujourd'hui n'est pas le manque de liquidités. Elles sont au contraire en surabondances dans le monde. Elles ont noyé l'économie mondiale. C''est le retour au crédit, c'est-à-dire à la confiance pour que l'argent circule. Cela passe par la refondation de la monnaie. Il est encore temps de créer une unité de compte internationale, panier de monnaies comprenant le dollar, l'euro, le yen et le yuan mais aussi l'or, pour sauver provisoirement les monnaies de papier; en attendant de refonder le' système monétaire international sur le plurimétallisme.

Magazine des livres mai 2009
Le vrai du Faust

« Irréprochable ». C’est l’adjectif qui surgit dès que l’on a refermé le volume que consacre Bartillat aux versions successives du Faust de Goethe. Une œuvre qui hanta le géant de Weimar de sa jeunesse au crépuscule de sa longue existence.
L’édition critique, aux bons soins de Jean Lacoste et Jacques Le Rider, est un exemple en matière d’érudition et de clarté. La dynamique adoptée, qui consiste à présenter chaque pièce dans une traduction originale et assortie d’une présentation propre, garantit à l’ouvrage une qualité philologique à toute épreuve. 
Le mythe de Faust méritait un tel travail. On sait à quel point il irrigua, avant et après Goethe, l’imaginaire occidental. Mais c’est surtout depuis sa récupération en plein Sturm und Drang qu’il exerça la fascination de poètes (Nerval, son premier « passeur » en français), de musiciens (Gounod, sans qui la Castafiore eût été bien terne), de peintres (Delacroix) et bien sûr de romanciers (l’Adrian Leverkühn créé par Thomas Mann en demeure le plus fameux décalque au XXe siècle).
Jean Lacoste s’interroge : « Le Faust romantique, le Faust artiste, le Faust byronien, le Faust satanique est-il encore notre mythe ? Notre Faust ? Peut-être pas, mais d’une certaine manière, Faust est plus actuel que jamais, car les questions qu’il se pose s’adressent non plus au seul artiste créateur solitaire, qui sacrifie son entourage et sa vie au chef-d’œuvre encore inconnu, mais à tout le monde, à l’homme contemporain, à l’homme sans qualités qui vit dans un univers désormais dominé par la science, les techniques et la technologie. […] Désormais [l’homme] a donné corps au rêve faustien de “voler jusqu’aux étoiles” […], il perce les secrets de la matière vivante au point de la recréer artificiellement et de la manipuler. »
Faust personnifie, autant à l’ère du génie génétique qu’à celle de la machine à vapeur, l’archétype d’une tentation : celle de la maîtrise du savoir absolu. Quitte à devoir renoncer, en vue de le conquérir, à tout amour terrestre.
L’œuvre aura mûri pendant près d’un demi-siècle dans l’esprit du père de Werther, qui signe dans la vingtaine un Urfaust en 1775, en publie une nouvelle mouture en 1808 pour aboutir en 1832 à un troisième Faust (en réalité Faust II), plus ample que les deux autres réunis… Et il n’est pas dit que l’on tienne là la version que Goethe considérait comme achevée.
L’Urfaust reste formellement très lié à la légende populaire et satirique allemande telle qu’elle fut colportée au XVe siècle à travers un Volksbuch luthérien, lui-même inspiré sur la vie de l’ésotériste et astrologue Georg Johannes Faustus. Cette matrice théâtrale aux accents shakespeariens, dont Goethe recycla de nombreux fragments dans la pièce de 1808, avait la préférence de Brecht qui y voyait comme une « fontaine de jouvence » et réussit même à l’imposer sur les planches de l’austère RDA, au début des /années 50.
Mais revenons à la fin du XVIIIe. Vers 1794, sur les encouragements pressants de son ami Schiller, Goethe ose s’atteler à remettre sur l’établi son chantier faustien. Au terme de douze ans d’enrichissements et de réécriture, il arrive à une « composition barbare », « étrange et problématique », un mélange hétérogène d’éléments tragiques et d’autres, moins sérieux, voire carrément oniriques. Le drame s’ouvre sur trois prologues, dont le dernier est le plus important, puisqu’il figure un dialogue entre Méphistophélès et le Seigneur Tout-Puissant. Les bases du pari sur Faust y sont jetées. S’enchaînent les épisodes connus : le dégoût pour toute science du jeune homme désabusé, son pacte avec le démon, le sabbat de la Nuit de Walpurgis, la séduction puis le déshonneur et l’abandon final de Marguerite, mise au cachot pour infanticide.
Dans une introduction qui a valeur d’essai tant elle est finement développée, Lacoste montre en quoi Faust fut pour Goethe moins une « une forme d’autobiographie théâtrale » qu’un véritable cheminement alchimique de son être, un reflet de ses métamorphoses intérieures. N’est-il pas dit dans le Voyage en Italie que le grand Poète, « à partir de la vérité et du mensonge, forme une troisième chose dont l’existence empruntée nous enchante » ? Goethe, aux mille visages, se retrouverait ainsi en filigrane de son personnage principal, mais également de son mauvais génie et peut-être de la douce Marguerite…
Il faut lire les réflexions de Lacoste sur la notion centrale de pari et de pacte, ou encore l’analyse des rapports entre le damné et la technique ou la religion pour se persuader que nous tenons là une édition de Faust pour notre temps. Certes, tous les voiles ne sont pas levés, mais ils sont désignés et n’attendent qu’un signe audacieux de notre part pour nous livrer leurs trésors.
En 1797, Goethe évoquait en trois vers le paradoxe de son œuvre, synthèse philosophique et morale par essence inépuisable : « La vie de l’homme est pareille à ce poème, / Elle a un début, elle a une fin, / Mais elle ne forme pas un tout. » Le mystère de Faust est au fond le mieux partagé des hommes.

Frédéric SAENEN

Johann Wolfgang von GOETHE, Faust (Urfaust, Faust I, Faust II), Édition établie par Jean Lacoste et Jacques Le Rider, Bartillat, 800 pp., 25 €.


 



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