Entre février et avril 1900, Péguy publie trois textes dans les Cahiers de la quinzaine, revue qu’il vient de créer : « De la grippe », « Encore de la grippe », « Toujours de la grippe ». Cette sérieuse attaque, qui le frappe et lui a fait craindre le pire comme à beaucoup de ses contemporains, lui inspire un dialogue, profond et ironique, sur la maladie, celle du corps intime et celle du corps social. Cet échange de haute tenue entre un « provincial », convalescent épris de vérité et un « docteur moraliste révolutionnaire », spécialiste des arcanes du socialisme contemporain, est l’occasion de s’interroger sur la condition humaine et la fragilité de nos sociétés : « Où avais-je pris ces microbes ennemis ? Les avais-je empruntés au siège de ces cahiers, 19, rue des Fossés-Saint-Jacques, ou à l’imprimerie, ou aux voitures de la compagnie de l’Ouest, ou aux voitures de l’Orléans, ou aux maisons de ce village, où tout le monde est contaminé : je n’avais eu que l’embarras du choix. »
Dans ces dialogues où interviennent aussi de grands auteurs (Pascal, Renan, Sophocle…), il est question de la justice, de la misère, de la liberté, de l’éducation, de la religion. La grippe est alors l’occasion de méditer sur ce monde qui s’ouvre à l’orée du XXe siècle et qui, par bien des aspects, est encore le nôtre. Les trois Grippes de Péguy constituent un véritable bréviaire des temps qui viennent. Car comme le souligne, dans sa préface, Éric Thiers, auteur de plusieurs études sur l’œuvre de Charles Péguy, « il y a du prophète en Péguy ».
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