Cette Anthologie du vers unique est le regroupement de plus de 219 vers choisis dans l'ensemble de la poésie française, avec quelques exceptions étrangères. Ils forment un florilège des vers les plus appréciés de l'auteur, de Villon à Segalen, de Verlaine à Pierre Jean Jouve, d'André Breton à Jacques Prévert.
La présentation d'un vers par page donne à ce livre la magie d'une promenade au hasard dans la quintessence de l'art poétique au hasard de la mémoire du grand auteur de poésie que fut Georges Schehadé.
Résumé
Cette Anthologie du vers unique est le regroupement de plus de 219 vers choisis dans l'ensemble de la poésie française, avec quelques exceptions étrangères. Ils forment un florilège des vers les plus appréciés de l'auteur, de Villon à Segalen, de Verlaine à Pierre Jean Jouve, d'André Breton à Jacques Prévert.
Une présentation d'un vers par page donne à ce livre la magie d'une promenade au hasard dans la quintessence de l'art poétique au hasard de la mémoire du grand auteur de poésie que fut Georges Schehadé.
Quelques exemples de vers :
1. Mille oiseaux qui s’enfuient n’en font qu’un qui se pose
Jules Supervielle
12. Sinon l’enfance, qu’y avait-il alors qu’il n’y a plus
Saint-John Perse
15. Cette heure qui est entre le printemps et l’été
Paul Claudel
27. Je t’ai raconté l’histoire des grands scarabées joueurs d’échecs
Jacques Prévert
45. Chaque rayon de lune est un rayon de miel
Guillaume Apollinaire
52. Elles ont du rouge aux lèvres et des dentelles au cul
Blaise Cendrars
71. Les soirs illuminés par l’ardeur du charbon
Charles Baudelaire
101. Ah ! quand refleuriront les roses de septembre
Paul Verlaine
118. Mon front est rouge encor du baiser de la reine.
Gérard de Nerval
149. Je t’aimais inconstant, qu’aurais-je fait fidèle ?
Jean Racine
177. Cette obscure clarté qui tombe des étoiles
Pierre Corneille
203. Je meurs de soif auprès de la fontaine
François Villon
205 Dans le linge simple et blanc du matin
Paul Éluard
219. Mais, ô Muse, di-moy quels sont tous ces oiseaux
Guillaume du Bartas
Presse
- Article paru dans le Figaro littéraire le 17 novembre 2011
-
Un vers et contre tous
Réédition de l'anthologie personnelle de Schehadé.
Du merveilleux poète, du subtil et provocant dramaturge que fut le Libanais Georges Schehadé (1905-1989), on connaît surtout Monsieur Bob'le et Le Nageur d'un seul amour, que Gallimard serait bien inspiré de rééditer. Il aimait tant la poésie qu'il plaçait, avec une modeste sincérité, celle des autres au-delà de la sienne. En 1977, après avoir fui Beyrouth en flammes, il est à Paris, loin de son rivage natal et de sa bibliothèque. Plus en hommage que par jeu, il sélectionne plus de 200 extraits de la poésie française, avec pour seule béquille sa mémoire. Il en tire un livre inclassable où chaque page est consacrée à un vers, isolé de son contexte; son auteur étant identifié à la fin. Un véritable tour de force où renaît la quintessence du poème, qu'il soit de Rimbaud, Éluard, Verlaine, mais aussi Villon, Jarry, Jouve, Péguy, Tzara ou Racine. De qui est «Les douceurs où je nage ont une violence»? Réponse: Malherbe.
Anthologie du vers unique de Georges Schehadé, Bartillat, 238 p., 18 €.
Article de Laureline Amanieux dans BSC News
Publié le Mardi, 29 Novembre 2011 17:17
Par Laureline Amanieux - BSCNEWS.FR / Je fis un feu, l'azur m'ayant abandonné. Les cris et les balles sifflent dehors ; les hommes sont tués à l'aveuglette : depuis avril 1975, la guerre civile éclate le Liban. Chacun résiste à sa manière, certains par les armes, d'autres en maintenant leur présence dans des zones dangereuses. On résiste la nuit dans les abris ; on résiste le jour : en continuant à se rendre au travail, en affrontant les embouteillages provoqués par les barrages sur les routes, en ayant la peau dure pour ne pas céder à la terreur des milices. D'autres encore doivent s'exiler : comment résister alors ?
Le poète libanais Georges Schehadé quitte Beyrouth quatre mois en 1977. Il ne parvient plus à écrire de poèmes ; le traumatisme de la guerre paralyse ses mots. Alors il entreprend à Paris une œuvre de résistance. Il compose en langue française une anthologie inédite en puisant des vers uniques dans les poèmes de l'antiquité à la première moitié du XXe siècle, s'interdisant tout poète encore vivant. Anthologie et pourtant création personnelle, où revient la voix de ses auteurs favoris, Rimbaud, Breton, Baudelaire, Claudel, Xavier Forneret... ceux qui l'ont épaulé dans sa vie et qu'il invoque alors à notre secours, quand
L'homme a peur en plein jour comme un enfant la nuit
Face à l'atrocité, Schehadé oppose la plus haute des promesses humaines : celle de la beauté. Face aux salves d'obus, il étire la blancheur d'une page où retentit un seul vers :
Le silence cet oiseau dont on n'entend pas les ailes
Face à la ferraille qui tombe, le poète oppose l'envol. S'il tire un coup de fusil, c'est dans sa mémoire : aussitôt, le bruit fait s'échapper de la forêt une nuée d'oiseaux. A Paris, Schehadé se trouve bien loin de sa bibliothèque laissée dans sa demeure de Beyrouth ; il compose cette anthologie avec ses seuls souvenirs. L'oiseau sera le guide de ce recueil s'ouvrant sur
Mille oiseaux qui s'enfuient n'en font un qui se pose
et dont chaque page reproduit graphiquement le battement de leurs ailes, en déplaçant le vers en bas de la page de gauche, et en le montant vers le haut de chaque page de droite, avant de se refermer à la dernière page sur
Mais, ô Muse, di-moy, quels sont tous ces oiseaux
Face aux tourments de l'Histoire, Schehadé tend le miroir de vers qui font basculer le court destin d'un être humain vers des temps mythologiques, puisque
Les pays qui n'ont plus de légendes seront condamnés à mourir de froid
Jamais le nom de l'auteur du vers n'est cité ; il faut se reporter à l'index final si le lecteur ne l'a pas reconnu par lui-même. Quant aux dates, elles sont à puiser dans notre propre mémoire. Rendus à leur statut d'énigme, chaque vers se lit comme une ligne de la main : on ouvre une page au hasard, et l'on découvre le destin de sa journée. Assurément, elle sera différente si je lis
J'agrandirai ton cœur pour contenir tout ton amour
Ou
C'est parce que leurs racines paissent le gaz que l'ombre des marronniers est bleue
Schehadé ne s'en tient pas à la Poésie francophone. Il propose des traductions de Ibn Dâwud et de proverbes chinois. Peut-être a-t-il songé au livre de divination chinoise, le Yi King, appelé aussi livre classique des mutations, alors qu'il traçait un vers par page comme un hexagramme où rechercher le sens de notre état mental.
Ma douleur comme un peu de soleil dans l'eau froide
Devant des associations audacieuses entre auteurs et époques, devant des fragments de vers arrachés à la structure d'une phrase, le lecteur reste indécis : est-ce un éclat parce que plus aucune parole continue n'est possible en temps de guerre ? Est-ce la marque d'un éclatement du monde intime de Schehadé ? Ou est-ce la volonté ferme de souder ensemble patiemment des voix humaines multiples pour maintenir un dialogue ? Débris de vers ou brassée de fleurs ? Délivrées de ponctuation finale,
Les douceurs où je nage ont une violence
Cette anthologie culte n'avait jamais été rééditée depuis la version cartonnée noire aux lettres d'or, chez Ramsay, en 1977. Les éditions Bartillat la renouvelle magnifiquement : détail d'un tableau de Van Ruisdael en couverture avec des oiseaux dans un ciel nuageux, correction des erreurs de l'édition originale dues aux approximations de mémoire de Schehadé, postface éclairante de son neveu par alliance, Albert Dichy.
Unique, le vers le devient ainsi par cet isolement singulier hors de tout contexte : il se pose d'une patte entêtante sur nos épaules ; il nous donne un coup de bec à l'oreille, chantant de toute sa force intemporelle. C'est ce qui rend cette anthologie classique, ce « vivre à jamais » de chaque vers renouvelé : « aucune oeuvre d'art n'est quelque chose qu'on peut se permettre d'enterrer à jamais » écrit le poète américain Ezra Pound, lui-même publié cet automne aux éditions Bartillat pour son ABC de la lecture.
Je gage que Schehadé pensait de même et qu'en inventant cette anthologie inégalée, il a refusé la douleur de l'exil, il a empêché les bombes d'ensevelir sa vitalité, il a répondu à la guerre par une rage poétique, il a rappelé à chacun de nous sa part d'humanité inaltérable
Nous sommes libres de faire le bien
Anthologie du vers unique, de Georges Schehadé, éditions Bartillat, novembre 2011.
Article de Thierry Savatier
Blog Les mauvaises fréquentations (savatier.blog.lemonde.fr)
C’est un livre singulier, inclassable, mais qui devient vite irrésistible au lecteur qui ose s’aventurer au cœur de ses pages presque vides de caractères, mais pas un instant vides de sens. Telle se présente en effet L’Anthologie du vers unique (Bartillat, 238 pages, 18 €), de Georges Schehadé, publiée pour la première fois en 1977, depuis longtemps épuisée et qui vient d’être rééditée pour le plus grand bonheur des amateurs.
Georges Schehadé (1905-1989), écrivain, poète et dramaturge libanais, vivait paisiblement (pour autant qu’un poète puisse vivre paisiblement, bien sûr) à Beyrouth avant que la ville et le pays entier ne sombrent dans la guerre civile de 1975. Contraint de s’exiler à Paris, il laissa sur place toute sa bibliothèque. Pour être plus exact, il faudrait plutôt préciser qu’il emporta avec lui une partie de ses livres, gravée dans sa mémoire. C’est dans ces rayonnages virtuels qu’il puisa pour composer cette étrange anthologie suivant un cahier des charges spécifique : ne retenir de chaque poème qu’un vers, l’isoler de son contexte, s’abstenir d’en indiquer l’auteur (la liste figure volontairement en fin de volume, qui fait la plus belle part au domaine français), ne respecter aucune chronologie ni thématique ; enfin prendre soin d’écarter les auteurs encore vivant.
Le résultat se révèle étonnant. Dans ce panthéon poétique, se côtoient donc, entre autres, Mallarmé, Lamartine, Radiguet, Eluard, Valéry, Rutebeuf, Breton, Louise Labé, Théophile Gautier, Jules Laforgue, Nerval, Saint-John Perse, Clément Marot et Oscar de Milosz. Certains poètes font l’objet de nombreuses citations (Rimbaud, Baudelaire, Agrippa d’Aubigné), les noms de quelques autres sont aujourd’hui assez oubliés (Louis Bouilhet, l’ami de Flaubert, Léon Dierx, Isaac de Benserade). Et, comme l’anthologie repose sur un choix, il y a, bien entendu, quelques grands absents (Antonin Artaud, Pierre Louÿs, Desnos, René Crevel, Boris Vian), mais telle est la loi du genre.
Ce sont ainsi deux cents dix neuf vers – un par page – qui, soudain mis en lumière, délivrent leur message. Autant, naturellement, de sujets de réflexion pour le lecteur. Libre à lui, d’ailleurs, d’utiliser le livre comme il l’entend. On peut ainsi l’ouvrir au hasard, composer un poème en assemblant plusieurs vers, un peu à la manière des Mille milliards de poèmes de Raymond Queneau ou à celle des cadavres exquis des surréalistes. On peut aussi, faisant appel à sa mémoire, reconstituer le poème dont le vers unique est extrait, ou tenter, à sa seule lecture, d’identifier l’auteur. Cette anthologie ouvre toutes les perspectives, qui s’étendent de la méditation à l’approche la plus ludique, mais toujours littéraire.
On y découvre nombre de perles dont voici quelques exemples : « Peu s’en fallut que le soleil ne rebroussât d’horreur vers le manoir liquide », « Merd’ ! V’là l’Hiver et ses dur’tés », « L’exquise charité de sa chevelure », « Le soleil se couche en des confitures de crime », « C’est parce que leurs racines paissent le gaz que l’ombre des marronniers est bleue », « Des vols de perroquets traversent ma tête quand je te vois de profil », « Elles ont du rouge aux lèvres et des dentelles au cul »…
Illustration : Georges Schehadé, photographie.
Site L'Alamblog 3 janvier 2012
C'est un régal ! Un pur et subtil régal de l'esprit que l'on s'étonnait de ne pas voir reparaître : la subtile Anthologie du vers unique du poète libanais Georges Schehadé (1907-1989), publiée initialement par Robert Abirached chez Ramsay en 1977, reparaît grâce aux éditions Bartillat, avec le concourt d'Albert Dichy...
D'Héraclite à Jean Follain et Patrice de La Tour du Pin en passant par Pontus de Tyard, Robert Garnier ou Mallarmé, Schehadé y cumula des vers qui l'avaient marqués au point de les savoir par cœur.
A l'heure où l'enthousiasme pour les trois vers du haïkaï ne se démentait déjà plus (une vraie furie !), l'anthologie de Schehadé poussait le bouchon plus loin et lançait une mélodie singulièrement délicate et aérienne.
Composée sous les roquettes qui pleuvent sur Beyrouth durant l'automne 1976, cette anthologie est la "non-réponse" du poète (A. Dichy) qui use de son excellente mémoire pour convoquer le ban et l'arrière-ban de la poésie francophone disparue contre cette folie de feu. Imaginée vingt-cinq ans plus tôt, ce livre unique en son genre devait avoir un complément sous la forme d'une anthologie du vers stupide qui ne vit jamais le jour.
Fruit d'une mémoire gigantesque - parfois défaillante, évidemment, et ça c'est qui est beau car il impose aux vers originaux des déformations subtiles -, cet hommage aux vers leur rend leur puissance et leur grâce en les isolant.
Au total on trouve dans le recueil deux cents dix-neufs fragments au milieu desquels Alfred de Musset fréquente Xavier Forneret
Et quand je pense à toi, croire que j'ai rêvé !
Un parapluie ouvert est un beau ciel fermé
où Jules Laforgue précède Maurice Scève et Agrippa d'Aubigné :
Voici l'œuf à la coque et la lampe du soir
Tes cheveulz d'or annellez et errantz
Par le cul d'un coquin chemin au cœur d'un roy...
Lequel vers d'Aubigné précède lui-même celui de Francis Jammes :
Le soleil faisait luire d'eau du puits dans le verre
En cette saison, nous sommes tentés de conseiller à tous ceux qui ont un cadeau en retard de se tourner vers ce volume délicieux s'ils souhaitent passer pour gens fins et de goût...
Georges Schehadé Anthologie du vers unique. - Note de Robert Abirached, postface d'Albert Dichy. - Paris, Bartillat, 242 pages, 12 €
http://www.lekti-ecriture.com/blogs/alamblog/index.php/post/2012/01/03/Des-vers-uniques