Patrice Locmant a obtenu la Bourse Goncourt de la biographie 2007 pour cette évocation de J.-K. Huysmans.
Le forçat de la vie
Qui fut Joris-Karl Huysmans (1848-1907) ?
Écrivain et critique d’art ; romancier naturaliste, esthète décadent et converti littéraire ; défenseur de l’art moderne et des peintres primitifs ; figure majeure de l’avant-garde fin-de-siècle avant de se retirer, à la fin de sa vie, dans la solitude des monastères, J.-K. Huysmans a plusieurs visages…
Derrière les multiples facettes de sa personnalité se cache un homme discret, voire secret, mal connu ; un homme irrésistiblement attiré vers l’Absolu, habité par le doute et pétri de contradictions, un « forçat de la vie » en somme, comme il se définit lui-même ; mais un caractère indépendant, aux convictions sincères et qui n’a eu de cesse de résister à toutes les compromissions de son époque pour préserver sa liberté.
En marge des biographies conventionnelles, Patrice Locmant traque, à travers ce portrait, « l’homme intérieur » et nous introduit dans l’intimité protégée de celui qui fit le choix de l’originalité pour tracer une voie nouvelle dans la littérature.
Patrice Locmant a préfacé plusieurs livres de Huysmans : Le Drageoir aux épices, Les Églises de Paris, et notamment A Paris et Écrits sur l’art aux Éditions Bartillat.
Du "nu de la vie" au "nu de la foi", Pierre-Robert Leclerc, Le Monde, 12/07/2007
A 30 ans, un modeste fonctionnaire du ministère de l'intérieur a publié deux ouvrages remarqués par la critique, Le Drageoir aux épices, poèmes en prose aux sujets disparates, et Marthe, histoire d'une fille, roman de la misère qui mène à la prostitution. Travaillant à un nouveau roman, Les Soeurs Vatard, il écrit à un ami : "Les deux bougresses de soeurs (commencent) à prendre corps et à grandir en vices et en grâce." On ne peut mieux définir la vie et l'oeuvre de l'écrivain auquel, à la suite de ce roman, les convives des Soirées de Médan font une place, et qui, vingt-cinq plus tard, se retire à l'abbaye de Ligugé pour écrire Sainte Lydwine de Schiedam, biographie d'une mystique hollandaise du XVe siècle.
En dédiant Les Soeurs Vatard à Zola, Joris-Karl Huysmans s'inscrit dans l'école naturaliste. Image de lui-même, il met au centre de son oeuvre Des Esseintes, un personnage qui glisse de roman en roman vers le nihilisme et qui, devenu Durtal après une étape du côté de Satan avec Là-Bas, se retrouve dans La Cathédrale, le premier des romans "catholiques" de Huysmans. Entre-temps, Barbey d'Aurevilly lui a donné à choisir entre "la bouche d'un pistolet ou les pieds de la Croix". Aidé par l'abbé Mugnier, les moines de Solesmes et de Saint-Wandrille, Huysmans choisit la Croix. Cela ne change en rien l'esthétique de l'écrivain qui, le 12 mai 1907, meurt dans de terribles souffrances, d'un zona. Il a 59 ans.
Cette vie à multiples facettes, Emmanuel Godo la décrit avec érudition. Sa présentation de l'itinéraire spirituel de Huysmans, du "nu de la vie" au "nu de la foi", est bien mise en parallèle avec les doutes et espoirs de l'homme, dont les convictions religieuses ne sont pas une posture. De même, il analyse, en un style simple, l'importance de la liturgie et de l'art dans le processus qui va de Des Esseintes à Durtal, et ce que l'oeuvre doit à cette espèce de lente et laborieuse métamorphose ; c'est inattendu, mais on est prêt à suivre l'essayiste quand il écrit que "Huysmans pourrait bien être le chaînon manquant entre Rabelais et Céline"...
L'originalité, la richesse du vocabulaire et la virtuosité des romans de Huysmans, Patrice Locmant les éclaire en scrutant les faces mal connues d'une vie qu'il suit de la naissance de Charles-Marie-Georges à l'agonie de Joris-Karl - le prénom qu'il a choisi -, qui confie à un ami vouloir "être épuré pour que la Vierge m'emmène Là-Haut". En de clairs chapitres, Locmant fait de son lecteur un intime "des" Huysmans, le dandy curieux de messes noires, le chantre de la vie monacale, le contempteur de son époque, le découvreur d'inconnus qui ont nom Cézanne ou Degas, l'écrivain appliqué à son oeuvre comme à une vocation. Un excellent ouvrage pour découvrir qui fut Huysmans et ce qu'il créa.
L'Oblat, Le coup de coeur de Jérôme Garcin
Le Nouvel Observateur, 31 mai-6 juin 2007
Il a vécu à rebours et à vau-l'eau, passant du très bas au très haut, du parisianisme au mysticisme, sans jamais abdiquer son pessimisme flamand. Son existence, 1848-1907, est vraiment stupéfiante. Rond-de-cuir au ministère de l'Intérieur pendant plus de trente ans, Georges Charles (alias Joris-Karl) Huysmans a été, un temps, naturaliste avec Zola avant de préfigurer le surréalisme. Il a célébré l'impressionnisme de Monet et Degas lorsqu'il était vomi par les académies et conspué par le bourgeois. Il a tâté du satanisme, du spiritisme et de l'occultisme avant d'embrasser le catholicisme. Il a été à la fois visionnaire (en art) et passéiste (il mythifiele vieux Paris et s'acharne à détruire la tour Eiffel, ce "suppositoire" en forme de "tuyau d'usine"). Il a habité des câteaux en ruine, célébré des messes noires, fréquenté les bordels et les troquets, aimé la compagnie des filles de joie et des soûlots, et puis soudain, après s'être retiré à la Trappe d'Igny, puis à Solesmes et à Ligugé, l'écrivain décadent s'est fait oblat. Il est le seul bénédictin de l'Académie Goncourt. Il est mort d'u ncancer de la mâchoire. Sous un titre formidable - "Le Forçat de la vie" -, Patrice Locmant raconte l'enfer de cet homme multiple épris d'absolu. Il fait si bien son portrait qu'on dirait qu'il l'a connu, et parfois consolé.
L'écrivain qui prenait son siècle à rebours, François Cérésa, Le Figaro, 7 juin 2007
L'huysmanité de Patrice Locmant, Patrick Besson, Marianne, 28 avril au 4 mai 2007
J.-K. Huysmans, Valeurs actuelles, 3 août 2007
Le mécontemporain, Clothilde Hamon, Famille chrétienne, août 2007
Forçat de la vie, Tony Coenjaerts, Trends cash, 31 mai 2007
Huysmans, au-delà du mythe, Jean Borie, Le magazine littéraire, 1er juin, 2007
Le vice et la vertu, Anne-Marie Mitchell, La Marseillaise, 29 juillet 2007
Du naturalisme au catholicisme, Michel Toda, La Nef, juin 2007
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