Bartillat Edition
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A

ISBN : 9782841005628
Parution : 15/05/2014
Prix : 7 €
144 p. pages
Format : 110 x 178
Traducteur : Jacques Le Rider
Préfacier : Jacques Le Rider

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Appels aux Européens
Stefan Zweig



Résumé

Inédites en français, ces deux conférences traitent de l’Europe, sujet qui a préoccupé Stefan Zweig une grande partie de sa vie et plus encore au cours de ses dix dernières années. Exilé en Angleterre dès 1934, témoin horrifié de l’annexion de l’Autriche par le Troisième Reich en mars 1938, installé au Brésil où sa seconde épouse et lui-même se donnent la mort le 22 février 1942, il vécut la destruction de la civilisation européenne comme une tragédie personnelle et son dernier chef-d’œuvre Le Monde d’hier porte le sous-titre « mémoires d’un Européen ».

Zweig plaide pour une unification de l’Europe qui passerait également par la culture et l’humanisme. Bien éloignée de la Realpolitik de notre époque eurosceptique, sa vision de l’organisation du continent dérangera ceux qui se moquent de l’idéalisme politique. Mais elle captivera ceux qui cherchent des voies nouvelles pour sortir de l’impasse au bout de laquelle le projet européen arrivera bientôt si rien n’est fait pour le sauver. Parce qu’ils étaient résolument inactuels au moment de leur conception, les appels de Zweig à un sursaut européen sont d’une actualité brûlante. La longue préface de Jacques Le Rider le rappelle avec force.

Presse

Blog de Bernard Morlino le 26 mai 2014

Appels aux Européens, et Derniers messages, de Stefan Zweig (Bartillat)

Le livre comporte pour un tiers la préface de Jacques Le Rider qui explique bien la vision européenne de Stefan Zweig (1881-1942) qui souhaitait que l’union des composantes différentes serait la garantie contre la guerre. Nietzsche, avant lui, avait dit que «le XXe siècle serait le siècle classique de la guerre». L’auteur d’Ainsi parlait Zarathoustra haïssait les patriotismes exacerbés.
Le Rider nous rappelle que dans sa jeunesse Zweig avait plus un tempérament belliciste que pacifiste. Les éditions Bartillat publient deux conférences inédites du maître autrichien. L’appellation « maître » n’est pas injustifiée quand on sait qu’on l’utilise pour des sportifs qui n’ont pourtant rien fait d’extraordinaire.
En 1932, juste avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir, Zweig écrit “La désintoxication morale de l’Europe", le texte qu’il lit à la Conférence pour le congrès de l’Accademie italienne à Rome. Quand le nationalisme fait rage, il appelle les dirigeants à favoriser les échanges entre nations : il voudrait que les jeunes étudient ailleurs dans leur pays d’origine afin de développer la culture entre les peuples. Quelle désillusion ! Il choisira l’exil : l’Angleterre puis le Brésil.
En 1934, il écrit à son ami Joseph Roth pour lui dire qu’il espère venir à Paris pour une autre conférence. On ne sait pas s’il parlait de “L’unification de l’Europe” où il évoque sa terreur de voir les rassemblements de foule immense qui écoute les dictateurs. « Dans tous ces effets de masse agit une force hypnotique ». Peut-on être plus lucide ?
Déçu par les leaders politiques des années 1930-1940, qui attisent la haine entre les peuples, il se suicide le 22 février 1942 à Rio-de-Janeiro, entraînant sa femme dans la mort, sa femme qui était très souffrante. Derniers messages ne contient pas ses ultimes textes mais le titre convient bien car on peut les lire comme des bouteilles à la mer qu’on ne découvre qu’en 2014. Ceux qui l’ignorent apprendront que Zweig était un traumatisé de la guerre, celle de 14. Il était écoeuré à l’idée de revoir une nouvelle folie meurtrière. L’ouvrage comprend une suite d’hommages à von Hofmannshal, Tolstoï et Byron, des compagnons de chevet. A présent c’est lui, Stefan Zweig qui reste auprès de nous.

-Appels aux Européens, de Stefan Zweig. Préface et traduction de Jacques Le Rider. Bartillat/ Omnia poche, 144 p., 7 €
-Derniers messages, de Stefan Zweig. Traduit de l’allemand (Autriche) par Alzir Hella. Préface de Jacques Le Rider. Bartillat/ Omnia poche, 252 p., 9 €.

[Post dédié à Klaus Mann]


Blog d'Esther Benbassa le 24 mai 2014

Pour une désintoxication morale de l'Europe

Publication: 24/05/2014 22h03


Dans les années 1930, exprimant un idéalisme à contre-courant du climat politique du moment, quand nationalismes, xénophobie et racisme se liguaient pour précipiter le continent dans ce qui serait la Seconde Guerre mondiale, Stefan Zweig appelait à l'unification européenne. C'est cet idéalisme qui devrait aujourd'hui nous guider pour penser une Europe en construction, sans doute non exempte de défauts, mais vitale pour notre avenir.

Imparfaite Europe

Comme toute réalité en construction, notre Europe est encore imparfaite. Elle n'est pas aboutie, elle n'est pas achevée. Et tant mieux: demain peut être meilleur qu'aujourd'hui, et l'Europe reste bien, au-delà de toutes les petites médiocrités de la realpolitik, un idéal nécessaire, un horizon souhaitable, pour nous et pour toutes les générations à venir.

Car l'Europe n'est pas une machination ourdie contre les spécificités des nations qui composent l'Union, ou qui vont la rejoindre. Elle n'est pas le complot de technocrates aspirant à leur ruine. Elle est à la fois une réalité en marche et un idéal. Aux jeunes générations, celles d'aujourd'hui, celles de demain, il appartiendra, comme à nous, de continuer à gérer ces deux facettes indissociables de l'Europe: réalité déjà, idéal toujours.

C'est cette Europe, et elle seule, qui pourra continuer de garantir la paix dans un continent meurtri par trois guerres meurtrières et destructrices, où des millions de personnes ont trouvé la mort et des millions d'autres jetées sur les routes, à la recherche désespérée d'un havre pour tout simplement survivre.

C'est cette Europe, et elle seule, qui pourra continuer de garantir la stabilité, le respect des droits humains, la libre circulation des personnes, la promotion des libertés individuelles, un minimum de solidarité entre ses Etats membres. Et j'espère aujourd'hui comme hier qu'elle continuera à être une digue contre la xénophobie, le nationalisme radical, le racisme.

L'Europe dont nous rêvons

L'Europe dont nous rêvons est toujours celle dont Zweig rêvait. S'exprimant dans une conférence écrite en 1932, voici comment il la voyait: "Une telle communauté une fois créée, celle d'une nouvelle génération éduquée dès son jeune âge, sans haine, dans le respect des réalisations européennes communes, on disposera dans tous les pays d'un large milieu de personnes ayant un point de vue à la fois national et européen."

Les artisans obstinés de l'Union européenne ont réussi à créer cette communauté, mais celle-ci n'a pas encore réussi à éradiquer la haine, une haine qui remonte à la surface en cette période de crise et qui est devenue le fonds de commerce d'une extrême droite sans scrupules, qui l'attise autant qu'elle peut, faute d'un programme constructif.

Ainsi l'Europe devient-elle la cible facile de toutes les critiques - à l'extrême droite, mais aussi, hélas, bien souvent, à l'extrême gauche. Mère de tous les vices, elle serait la cause de tous nos maux. Bien sûr, l'Union européenne n'est pas sans défaillances. Trop de technicité, trop de bureaucratie? Et alors? Cela nous empêchera-t-il de cultiver l'idéal d'une Europe unie, meilleure, plus humaine, plus sociale, plus écologiste, plus proche de ses citoyenNEs? Cela nous empêchera-t-il de travailler à réaliser, d'arrache-pied, à cet idéal?

Une Europe plus juste, plus entreprenante, capable de prendre les mesures à même d'éradiquer progressivement la crise qui nous frappe, et de faire face à la mondialisation avec ingéniosité et ténacité, n'est-elle donc pas à notre portée? Une Europe plus forte, plus engagée, soucieuse, peut-être, de réguler ses flux migratoires, mais résolument plus ouverte à ceux que la misère pousse à ses portes, plus déterminée à venir en aide aux populations de pays traversés de grands conflits, telle la Syrie, cette Europe-là, nous ne pourrions pas la faire?

N'oublions jamais que ce que nous reprochons à l'Union européenne est directement lié au fonctionnement des pays qui la composent. Ses erreurs sont les nôtres (y compris notre dette publique exorbitante). A nous de les corriger.

Si l'Europe devait avoir une seule vertu

Si l'Europe devait avoir une seule vertu, ce serait d'être un antidote contre la haine. Hélas, pour divers calculs pas toujours honorables, nous avons laissé les partis de la haine prospérer sur le terrain, et regardé, par un étrange masochisme autant que par lâcheté, monter les nationalismes. Avons-nous oublié les souffrances de millions de femmes et d'hommes, d'enfants et de vieillards, nos aïeules et nos aïeux, sacrifiés sur l'autel de la haine nationaliste et xénophobe, Juifs, gays, tsiganes, handicapés?

Tout patriotisme est acceptable lorsqu'il est simple amour de son pays, de son histoire, de sa culture. Pas lorsqu'il devient exclusiviste. Tout rejet de l'Autre est rejet de soi. Plus encore aujourd'hui qu'hier, nos identités sont composites: on est de sa ville ou de son village, de sa région, de son pays, et de l'Europe. Identité sexuelle, identité de genre, nostalgie des origines, attachement à sa tradition religieuse (ou à sa mécréance), tout cela se combine, se recompose sans cesse. Aucune de nos identités multiples n'a vocation à dominer ni à exclure les autres. Leur richesse réside dans leur convergence.

Un flambeau à toujours relever

Dans un autre texte, datant lui de 1934, Stefan Zweig, toujours, écrivait: "L'égoïsme sacré du nationalisme restera toujours plus accessible à la moyenne des individus que l'altruisme sacré du sentiment européen, parce qu'il est toujours plus aisé de reconnaître ce qui vous appartient que de comprendre votre voisin avec respect et désintéressement." Le rêve de Zweig - qui savait à quels obstacles il se heurtait - ne s'est pas réalisé de son vivant. La guerre l'a condamné, comme tant d'autres intellectuels, au silence. Il finira par se suicider en exil.

A nous, demain dimanche, de relever le flambeau. Disons oui à toutes celles et à tous ceux qui veulent "désintoxiquer moralement" l'Europe, comme le souhaitait Zweig. La désintoxiquer de la haine, de la barbarie, de la tentation de la guerre, de l'égoïsme national, du compromis avec l'injustice et de la courte vue. Allons voter pour une Europe meilleure. L'Europe, c'est déjà notre présent, mais c'est aussi l'avenir des générations non encore nées et de nos libertés.

Et tant qu'à rêver vraiment, sérieusement, pourquoi ne pas rêver - et construire - une vraie citoyenneté européenne, vecteur de préservation et de transmission de ce riche héritage commun qu'est l'européanité, faite de nos différences et de nos ressemblances, telles de belles étoiles brillant de tout leur éclat dans un seul et même ciel enfin serein?

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A lire : Stefan Zweig, Appels aux Européens, préface et traduction de l'allemand par Jacques Le Rider, Paris, Bartillat, 2014, 150 p., 7 €.


Nonfiction.fr et Slate.fr

Europe
Couverture ouvrage
Appels aux Européens
Éditeur : Bartillat
144 pages / 7 € sur
Résumé : Deux essais jusqu’alors inédits en français éclairent un aspect méconnu de l’écrivain : son engagement européen.

Une recherche sur l'internet au sujet des « pères de l’Europe » renvoie au réseau des quatre musées dédiés respectivement à Robert Schuman, Jean Monnet, Konrad Adenauer et Alcide Gasperi. L’Union européenne a de son côté officiellement établi une liste de onze noms, mais on n’y trouve pas d’Autrichien. A vrai dire, bien peu des députés européens fraîchement élus penseraient à citer l’écrivain
Stefan Zweig (1881-1942) parmi les penseurs de l’Europe, Zweig étant surtout connu pour ses romans et nouvelles, parfois aussi pour ses biographies ou son théâtre. Pourtant, c’est à la fois dans sa riche correspondance avec des intellectuels européens et à travers les conférences qu’il a données un peu partout en Europe que l’on peut se rendre compte à quel point sa réflexion sur l’Europe est à la fois aboutie mais aussi très marquée par le désastre de la Première Guerre mondiale dont Le Monde d'hier. Souvenirs d'un européen marque la rupture.

C’est tout le mérite de Jacques Le Rider, germaniste reconnu et auteur, l’an dernier, d’un bel ouvrage sur Les Juifs viennois à la Belle Époque, que d’avoir non seulement rassemblé mais aussi traduit et présenté, deux textes de Zweig remontant aux années 1930 et traitant justement du désir d’Europe (si l’expression n’est pas devenue trop galvaudée), l’Europe se présentant ici comme la condition d’un avenir pacifique.

Zweig cherche à développer une identité européenne pour contrer l’essor des nationalismes. On trouve dans le premier texte, « La désintoxication morale de l’Europe », écrit en 1932 pour une conférence prévue à Rome, des passages étonnants par la façon dont il anticipe la construction européenne. Ainsi, au sujet de l’importance des échanges universitaires, Zweig écrit : « Aujourd’hui, un Allemand qui voudrait faire ses études dans une université italienne pendant un semestre ou une année entière devrait considérer comme perdue cette année humainement et moralement si enrichissante, puisque, dans son pays d’origine, elle ne serait pas reconnue comme équivalent à une année d’études ».  Un des fleurons des projets européens, le programme Erasmus, a précisément permis à partir de 1987 à plus de trois millions d’étudiants de vivre pleinement ces échanges auxquels Zweig appelait au début des années 1930.

Les employés des administrations sont aussi invités à passer quelques mois dans d’autres administrations européennes  et Zweig va jusqu’à envisager un « organe de presse commun aux Européens, une revue ou mieux encore un journal quotidien », publié dans toutes les langues de l’Europe avec le même contenu…

Mais avant de construire l’Europe, il faut pour l’auteur la « désintoxiquer », la guérir de ses accès de fièvres nationalistes. Il appelle pour cela à un « changement de conception de l’histoire » . La patrie, d’abord, doit être « placée sous le signe, non de sa relation d’hostilité, mais de son imbrication avec les parties étrangères. » . Il convient ensuite de « passer de l’histoire politique et militaire à l’histoire culturelle [car] d’un point de vue supranational et universel, (…) l’histoire en tant qu’histoire de la guerre aboutit à un non-sens complet. ». C’est enfin la raison qui, dans une perspective hégélienne, dirigera le destin de l’Europe, dans les derniers mots de son texte Zweig appelle ses contemporains à « écouter à nouveau la voix éternellement créatrice de la raison. » .

Le deuxième texte, « L’unification de l’Europe », ravira les érudits de Zweig car il était inédit en allemand jusqu’en 2013, et est présenté ici pour la première fois en français. Rédigé deux ans plus tard, en 1934 donc, on y retrouve des propositions concrètes pour construire une Europe des Européens (et non du Charbon et de l’Acier comme en 1951, ni des marchés financiers comme aujourd’hui, pourrait-on ajouter). Tout juste exilé de son pays, vivant alors à Londres, Zweig explique comme il serait possible à moindre frais de faire se rencontrer les citoyens européens à l’occasion de grands colloques professionnels qui existent déjà et qui pourraient être coordonnés pour se tenir au même moment. On atteindrait ainsi une masse critique propice aux échanges culturels de toute sorte.

Car c’est bien la culture qui doit cimenter l’Europe. Comme bien des candidats aux élections européennes l’ont remarqué, on ne comprend que trop bien Zweig lorsqu’il affirme que « l’idée européenne n’est pas un sentiment premier » . La politique est pour l’auteur un terme ambigu. S’il convient qu’il est nécessaire d’inventer une « politique européenne ostensible et persuasive » , le projet européen doit pour lui demeurer, comme l’explique Jacques Le Rider, « apolitique » . Zweig a lui-même tenté de réagir sur une ligne apolitique à l’émergence du nazisme, refusant de prendre parti puis condamnant ensemble fascisme, nazisme et stalinisme, considérés comme des « excroissances du nationalisme » .

Confiant dans le développement d’une identité supranationale, Zweig en appelle solennellement à ses contemporains dans sa conférence de 1934 : « Ne perdons pas de temps car le temps ne travaille pas pour nous » . A l’heure de la montée en Europe des nationalismes et des discours haineux face aux non-européens, on peut douter que ce soit « l’euroscepticisme » qui aurait vraiment fini par « ronger l’esprit européen lui-même », comme le suggère Le Rider. Après tout, les partis d’extrême droite se réclament d’une Europe des peuples et des nations, voire d’une « race blanche » pour les plus atteints. Ce que Zweig nous montre dans ces deux essais si concis, c’est aussi qu’une autre Europe est possible, une Europe des citoyens, une Europe de la culture.

 

Pour aller plus loin :

Nous signalons que l’excellente revue Approches a consacré son n° 156 de décembre 2013 à Stefan Zweig avec un autre texte inédit traduit par Jacques Le Rider mais aussi d’autres articles passionnants concernant par exemple les relations entre Zweig et Romain Rolland (par Jean Lacoste), la correspondance avec Joseph Roth (par Philippe Reliquet), déjà évoquée sur nonfiction.fr (cf. ci-dessous) ou encore Stefan Zweig et le jeu (par Anne-Marie Baron).



A lire sur nonfiction.fr :

Cécile Voisset-Veysseyre, sur la Correspondance entre Stefan Zweig et Joseph Roth (1927-1938).

Jérôme Segal, sur le livre de Jacques Le Rider, Les Juifs viennois à la Belle Époque

Thierry Paquot sur les Lettres d’Amérique: New York, Argentine, Brésil, 1940-1942, de Stefan et Lotte Zweig

Romain Simmarano sur Stefan Zweig, Romans, nouvelles, récits, Édition établie sous la direction de Jean-Pierre Lefebvre Gallimard, coll. “Bibliothèque de la Pléiade”.

 

Jérôme SEGAL


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